La guerre n’est pas finieSoudan, Soudan du Sud, Tchad: guerres sans fin, guerriers sans frein

By Jérôme Tubiana

Published 17 April 2017

Des conflits ensanglantent différentes régions du Soudan presque sans interruption depuis l’indépendance du pays, il y a cinquante ans. Mais en réalité, le Darfour, le Kordofan du Sud, le Nil Bleu, les collines de la mer Rouge et le Soudan du Sud (indépendant depuis 2011 mais toujours en guerre) souffrent d’une seule et même guerre qui s’est installée dans la durée. Les communautés du Soudan et du Soudan du Sud, comme du Tchad voisin, fournissent des recrues en masse aux différentes forces en présence. Les civils, à commencer par ceux qui occupent des fonctions traditionnellement militarisées, sont recyclés en soldats de métier, contribuant à rendre floue la distinction entre civils et militaires. Dans tout le Sahel, la criminalisation des anciens combattants rebelles bénéficie surtout aux pouvoirs en place, qui, accusant leurs ennemis de n’être que des bandits, voire des terroristes, en profitent pour refuser de dialoguer avec eux.

Des conflits ensanglantent différentes régions du Soudan presque sans interruption depuis l’indépendance du pays, il y a cinquante ans. Mais en réalité, le Darfour, le Kordofan du Sud, le Nil Bleu, les collines de la mer Rouge et le Soudan du Sud (indépendant depuis 2011 mais toujours en guerre) souffrent d’une seule et même guerre qui s’est installée dans la durée. Les communautés du Soudan et du Soudan du Sud, comme du Tchad voisin, fournissent des recrues en masse aux différentes forces en présence.

Les civils, à commencer par ceux qui occupent des fonctions traditionnellement militarisées, sont recyclés en soldats de métier, contribuant à rendre floue la distinction entre civils et militaires.

60 ans d’indépendance, 49 ans de guerre
En 2009, le Panel de l’Union africaine présidé par Thabo Mbeki requalifiait la crise du Darfour de “crise du Soudan au Darfour.” L’expression peut paraître alambiquée, et ses implications n’ont été que partiellement prises en compte par les acteurs internationaux, soucieux de ménager le régime de Khartoum qui se présente depuis longtemps comme un allié dans la lutte contre le terrorisme ainsi que, désormais, contre la migration. Mais, comme l’accord de paix “global” qui l’a précédée en 2005, elle remet en cause la conception que le pouvoir central a réussi à imposer, y compris à nombre de ses ennemis déclarés: à savoir les guerres qui se sont succédé dans les différentes “périphéries” du Soudan ne sont que des conflits locaux sans lien entre eux.

Ainsi Khartoum a réussi à isoler ces crises, bien que la revendication essentielle et commune des insurrections dans les différentes périphéries ne soit rien d’autre que la fin de la concentration du pouvoir et de la richesse, depuis l’indépendance du pays en 1956, dans les mains d’un cercle de plus en plus restreint. Les oscillations idéologiques – du marxisme à l’islamisme – de ce cercle sont moins importantes que le sens partagé d’appartenir au « centre » du Soudan, par opposition à ses “marges”. Si la crise du Darfour est bien une crise du Soudan, le pays, jusqu’en 2011 le plus vaste d’Afrique, apparaît bel et bien comme le théâtre d’un conflit national, aux enjeux nationaux, et qui dure depuis soixante ans presque sans interruption. L’une des guerres les plus anciennes et les plus meurtrières au monde.